La période d’essai n’est plus d’actualité

De nos jours, comment les entreprises s'assurent-elles d'avoir engagé les bonnes personnes?

(rire) Elles ne peuvent jamais s'en assurer! Penchons-nous sur le processus de recrutement. Tout commence par un candidat «anonyme» – qu'il pose sa candidature lui-même ou qu'il soit approché par l'entreprise. Dans un premier temps, son dossier est examiné grossièrement. Puis l'entreprise décide si cette personne pourrait convenir. C'est là que les problèmes arrivent. En effet, de nombreuses compagnies négligent cette étape. C'est comme si un vigneron prenait autant de grappes que possible pour atteindre un certain volume au lieu de sélectionner les meilleurs raisins. Dans le recrutement et les services de l'emploi, il en va de même. Les responsables agissent beaucoup trop superficiellement. L'entreprise est parfois trop critique. Ce qui peut être positif dans certains cas, mais cela exclut souvent certains talents. Par exemple, si quelqu'un ne parle pas assez bien une langue, c'est un problème mineur: il est plus facile d'apprendre une langue que d'autres compétences. D'autres entreprises ratissent trop large: elles sélectionnent jusqu'à une quinzaine de dossiers sur 150 et procèdent à leur choix. Or, cela ne suffit pas pour trouver la perle rare.

Que faut-il faire pour trouver la fameuse perle rare?

Il faut s'informer! Le recruteur doit bien connaître l'entreprise. Mais en pratique, ce n'est presque jamais le cas. Dans les grandes sociétés, les connaissances restent confinées à l'interne car elles sont très complexes. Les changements s'opèrent au sein de l'entreprise elle-même. C'est là une des difficultés de notre branche: le savoir est souvent superficiel. Or, qu'est-ce que le savoir? Se documenter ou regarder une vidéo sur YouTube, ce n'est pas suffisant. Le savoir va plus loin. C'est comme un iceberg: sous la surface de l'eau se cachent des informations sur la culture de l'entreprise, ses valeurs, ses processus formels et informels, mais aussi sur ses leaders et ses influenceurs réels. Si le recruteur ne dispose pas de ce savoir, je ne vois pas comment il peut proposer une solution parfaite. Les conséquences en sont des problèmes, des mauvaises décisions et des collaborateurs inadaptés. Il faut du temps, de la volonté et de l'énergie ainsi que plusieurs visites et entretiens. L'erreur consiste à ne parler qu'avec le donneur d'ordre, qui est souvent un membre des RH. Un cahier des charges et une petite annonce, ce n'est pas assez. Il est essentiel de creuser. Hélas, certains ne sont pas prêts à prendre le temps que cela requiert.

Et ce n'est qu'un côté de la médaille...

Exactement. Dans combien de cas sommes-nous vraiment sûrs de bien connaître le candidat ou la candidate? Il ne suffit pas d'avoir une interview sur Skype, de remplir un dossier dans une base de données et de googler son nom. Il faut avoir vu la personne dans plusieurs occasions: l'inviter à un entretien, aller boire un café avec elle, lui téléphoner à sept heures du matin ou en soirée. C'est ainsi que l'on voit comment elle réagit dans les situations stressantes.

On pourrait aussi demander des références sur la personne...

À qui demande-t-on des références? Aux supérieurs hiérarchiques. Or, cela ne sert à rien. Qu'est-ce que le supérieur pourra ou voudra vous dire? Les références doivent venir des pairs, des personnes placées à un niveau hiérarchique inférieur ou encore du cercle des collègues. L'idéal, ce sont les personnes que le recruteur et le candidat connaissent tous les deux. Cela aide à ouvrir des perspectives. Cela se fait trop peu souvent. Le recruteur et le conseiller en personnel subissent la pression des résultats. Quand ils ont un match de 30%, la plupart d'entre eux s'arrêtent et ne remarquent pas qu'il en faudrait plus. C'est la triste réalité.

Quelle est l'utilité des certificats de travail?

Les certificats de travail devraient être abolis. Ces outils standards ne servent presque à rien dans le recrutement. Le CV est «tuné» et le certificat est standardisé et peu informatif. Le recruteur doit voir ce qui n'a pas été mentionné dans le certificat. Il faut donc lire le document et s'interroger sur ce qui a été omis. Cependant, il est inutile, voire même dangereux de vouloir interpréter un certificat, car tout est relatif. «Elle a été en tout temps fiable»: qu'est-ce que cela signifie? Chacun d'entre nous a des exigences différentes et une conception unique de la fiabilité. Les certificats n'échappent pas à la règle. J'ai souvent vu des personnes qui avaient des notes brillantes dans leurs documents, mais une faible compétence sociale. Ce qui compte, c'est la vision globale. Un certificat de travail est nécessaire en tant que justificatif de travail. Mais un recruteur doit se demander ce qu'il va faire de ce document et quelles en sont les informations pertinentes. Une lettre de recommandation serait plus utile et plus authentique, à mon avis. Le certificat de travail n'indique que ce qu'a fait la personne dans sa fonction au sein de l'entreprise. On ne peut pas en tirer de conclusions pour un autre emploi. En revanche, une lettre de recommandation permet à un supérieur hiérarchique ou à un collègue d'expliquer sa perception de la personne. Ce qui est beaucoup plus parlant.

La période d'essai est-elle passée de mode?

Plus le recrutement est soigné, plus la période d'essai est négligeable. Au contraire, si le recrutement est bâclé, la période d'essai est essentielle. On en revient toujours au match parfait. Un licenciement pendant le temps d'essai laisse souvent un arrière-goût amer. À mon avis, la période d'essai n'est plus d'actualité. Prenez le terme «d'essai». Que cela signifie-t-il concrètement? Cela fait penser au droit d'échange que vous avez pour des marchandises. Or, nous avons affaire à des êtres humains. Il faudrait raccourcir le délai de licenciement. On pourrait ainsi supprimer le temps d'essai. Un délai de licenciement trop long (par exemple plus de trois mois) constitue un obstacle pour l'employé et pas la sécurité qu'il espère. La plupart des entreprises ne requièrent pas un nouveau collaborateur dans trois mois, mais «just in time». Ces prochaines années, notre marché de l'emploi devra se flexibiliser à 100%.

De quelle manière?

Certains aspects se modernisent et d'autres ne changent pas – comme la période d'essai. De nos jours, on ne voit plus de billets de train sous forme de petits cartons achetés au guichet de la gare. Nous les achetons «just in time» avec l'appli des CFF juste avant de monter dans le train. C'est ce qu'il faudrait faire pour les processus RH. Nous avons besoin de plus de transparence et d'équité. Le certificat de travail n'est pas équitable. Il est unilatéral et donne lieu à des interprétations. C'est pourquoi j'apprécie le système d'évaluation de Coople (anciennement Staff Finder): les employeurs et les employés peuvent s'y évaluer mutuellement et il est complètement transparent. Je pense que toutes les entreprises devraient miser sur la transparence. À l'avenir, l'information jouera un rôle essentiel. Les entreprises doivent agir de manière responsable, impliquer leur personnel, déléguer des responsabilités et utiliser le savoir et les impulsions provenant des échelons hiérarchiques inférieurs. Ces interactions sont décisives pour notre façon de gérer les changements et d'avoir du succès.

Propos recueillis par Julia Bryner, responsable Marketing & Events swissstaffing

Cela pourrait vous intéresser…