Corona – et après?

HR Today

La crise du coronavirus pourrait bien entraîner l'une des pires crises économiques de l'histoire récente, voire éclipser la crise financière de 2008. Quelles tendances les crises passées ont-elles engendrées? Quels nouveaux développements peut-on attendre de la pandémie actuelle?

Un coup d'œil dans le rétroviseur montre que les crises initient des tendances durables. La leçon à tirer de la Grande Dépression est que les crises économiques doivent être accompagnées au niveau politique pour éviter des désordres sociaux et pour amortir l'effondrement économique. Les crises pétrolières ont jeté les bases d'un mouvement écologique qui continue d'exister. La bulle Internet fut créée par l'enthousiasme initial pour le web. Beaucoup d'entreprises furent surévaluées. En même temps, cela a rendu possible le monde numérique. La crise des subprimes a renforcé notre système bancaire grâce à de nombreux trains de mesures. Et elle nous a fait prendre conscience qu'il y a des limites à la dette publique.

En analysant le passé, on voit aussi que les anciennes crises ont partiellement préparé notre société aux conséquences de la pandémie. Le Conseil fédéral vient en aide aux entreprises et aux travailleurs grâce à d'énormes moyens financiers et à des réglementations spéciales. Les banques commerciales stables accordent des prêts à court terme et de manière contrôlée. La numérisation permet à de nombreux employés d'exercer leur profession tout en se protégeant. Elle a aussi aidé à découvrir et à décoder génétiquement le coronavirus en quelques semaines seulement. Toutefois, les crises passées nous laissent des fardeaux: le niveau élevé de la dette publique due au coronavirus pourrait entraîner une nouvelle crise de la dette.

La flexicurité et la réorientation professionnelle

Le besoin de flexibilité exprimé par les travailleurs en Suisse avait déjà augmenté avant la pandémie. Avec le confinement, de nombreux employés ont la possibilité de télétravailler. Et ce, même dans des domaines où cela semblait impensable tout récemment. Quand l'heure est grave, de nouveaux modèles flexibles sont créés pour combiner la vie familiale et le travail. Le retour à la normale sera certainement un soulagement. Néanmoins, certains salariés auront envie de conserver au moins une partie de ces nouvelles libertés. Ils souhaiteront essayer des modèles de travail flexibles, que ce soit en termes d'horaires, de lieu de travail ou de forme de contrat.

Cependant, la flexibilité ne suffira pas à remotiver les travailleurs après la crise. L'expérience de la crise a créé un nouveau besoin de sécurité. Les baisses d'activité commerciale et les maladies arrivent aussi en temps normal. La différence, c'est que dans ces cas, l'État n'intervient que dans une faible mesure. Les indépendants le constatent en ce moment. En tant que freelancers, ils doivent vérifier eux-mêmes quelles aides leur sont exceptionnellement offertes. Une assurance d'indemnités journalières en cas de maladie aurait dû être souscrite à un coût élevé avant la crise. Le risque de chômage ne pouvait pas être assuré. Afin de réduire leur charge administrative et d'obtenir une protection abordable en cas de maladie et de chômage, un groupe croissant de freelancers a fait gérer ses mandats via des prestataires de services de personnel. Légalement, ils sont donc des travailleurs temporaires qui ont droit à des indemnités de chômage et à des indemnités journalières de maladie. Cela leur permet de combiner la flexibilité et la protection sociale. Au début des années 2000, le terme de flexicurité a été utilisé dans ce contexte. Ce concept devrait retrouver de l'élan après la crise.

Le confinement pousse de nombreux employés à s'interroger. Les professions du commerce de détail, de la logistique et du nettoyage ont gagné en reconnaissance sociale et sont considérées comme indispensables. Parallèlement à cela, d'autres employés font l'expérience inverse et doivent rester chez eux. En plus des craintes existentielles provoquées par la pandémie, cela pourrait déclencher chez certains des envies de se réorienter professionnellement à long terme, car ils ressentent en positif ou en négatif les attentes de la société. Pour mettre en pratique ces objectifs professionnels, la formation continue, les reconversions et la possibilité d'acquérir une première expérience professionnelle dans un nouveau domaine gagneront en importance. Le travail temporaire permet aux prestataires de services de personnel d'accompagner ces processus de transition et même d'apporter une contribution financière grâce à temptraining.

Une réorganisation sociale et économique

La crise va laisser des traces profondes sur notre vie sociale et économique. En se promenant dans la rue, on remarque que la distanciation sociale est paradoxale. L'éloignement physique au quotidien crée une nouvelle proximité sociale. Subitement, la distance sociale prouve notre respect et notre considération. À l'avenir, les clients attendront probablement une nouvelle combinaison entre l'éloignement et la proximité. Les entreprises qui réussiront à associer des solutions numériques avec des éléments personnalisés profiteront certainement de cette évolution. Par rapport au travail temporaire, cela signifie peut-être que les clients commenceront à faire des recherches sur une plateforme et recevront des suggestions assistées par ordinateur quant aux emplois ou aux candidats qui pourraient leur convenir. Et qu'ensuite, ils réfléchiront à leur décision avec un conseiller en personnel expérimenté ou en discutant dans un chat placé sur le site web.

La crise suscitera probablement de nouvelles réflexions parmi les dirigeants et les actionnaires des entreprises. Depuis les crises du pétrole, les compagnies ont mis l'accent sur l'efficacité économique, sur l'externalisation et sur leur cœur de métier. Ce qui a provoqué la division de nombreux conglomérats. Or, toute spécialisation entraîne des risques de clusters dans le domaine d'activité choisi. Ce qui accroît la dépendance vis-à-vis des fournisseurs. Dans la crise actuelle, Coop et Migros montrent comment des activités menées dans différents secteurs aident à réduire les risques. Leurs restaurants et leurs magasins de bricolage sont fermés, mais ils conservent leurs revenus provenant des supermarchés. Si les entreprises choisissent de miser sur la diversification et sur la relocalisation en Suisse d'une partie de leur production, notre pays aura besoin de travailleurs qualifiés. Les prestataires de services de personnel joueront alors un rôle essentiel dans ces processus de transition.

Surmonter les conflits grâce à la crise

En considérant les effondrements conjoncturels passés et la crise économique que nous traversons, nous voyons qu'à long terme, malgré le pessimisme ambiant, la pandémie devrait créer de nouvelles tendances dans l'économie et le monde professionnel, et apporter des changements positifs. Au final, elle pourrait même contenir un élément de réconciliation sociale. Les populistes et la sagesse populaire pensent souvent qu'en cas de crise, on n'aide que les plus grands. Or, la pandémie ouvre une nouvelle dialectique. Elle prouve qu'en cas de crise, on aide ceux qui sont dans le besoin et qui ont une importance systémique. Actuellement, ce sont des milliers de PME et leurs employés ainsi que les personnes vulnérables. Ce nouvel esprit pourrait désamorcer des conflits qui existaient et nous offrir la possibilité de trouver tous ensemble de nouvelles voies.

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